Présidentielles 2022 : pour les gaullistes français, tenir l’extrême droite à distance ?
La nouvelle challenger de centre-droit d’Emmanuel Macron doit résister à la “zemmourisation” de son parti.
Élections présidentielles 2022
La semaine dernière, Emmanuel Macron est devenu le premier président français depuis plus de 40 ans à effectuer une visite officielle dans la ville de Vichy afin de parler de son histoire. Son but était de contrer un révisionnisme historique insidieux qui jette une ombre sur la campagne électorale présidentielle française. Le journaliste d’extrême droite Éric Zemmour, qui a annoncé sa candidature il y a quinze jours, a affirmé que le régime de Vichy avait protégé les Juifs français pendant la Seconde Guerre mondiale, un mensonge dénoncé et démenti par les historiens. La triste vérité des rafles et des persécutions qui ont eu lieu, a déclaré M. Macron, ne doit pas être “manipulée” ou “révisée” pour des motifs politiques.
Le fait que ce voyage ait été jugé nécessaire donne une indication de la mesure inquiétante dans laquelle les opinions extrêmes se normalisent dans la politique française, où le centre de gravité s’est déplacé vers la droite. Environ 30% des électeurs français prévoient de voter au printemps prochain soit pour le programme réactionnaire de M. Zemmour, soit pour Marine Le Pen.
La négation des crimes de Vichy fait partie d’un nationalisme toxique qui cherche à “sauver” la civilisation française des effets de l’immigration, et s’appuie sur la théorie du “remplacement” de la suprématie blanche pour suggérer que la culture française traditionnelle est menacée. Dans une mesure alarmante, cet agenda a réussi à donner le ton dans la course présidentielle jusqu’à présent.
Lire en complément: Anne Hidalgo renouvelle son appel pour que la gauche française choisisse un seul candidat à la présidentielle
Des sondages divers et variés
La mesure dans laquelle cela continue à être le cas peut dépendre de la candidate du parti gaulliste des Républicains, Valérie Pécresse, qui a récemment remporté les primaires de son parti. Mme Pécresse, qui deviendrait la première femme présidente de la France si elle battait M. Macron, est issue de l’aile modérée et centriste de son parti et a bénéficié d’un rebond notable dans les sondages depuis sa victoire. Dans un second tour avec le président, selon une enquête d’opinion, elle obtiendrait une courte victoire. Mais pour atteindre le second tour, Mme Pécresse devra battre à la fois Mme Le Pen et M. Zemmour, dans ce qui promet d’être une course serrée à trois sur la droite.
Afin d’attirer le soutien des deux candidats et d’éviter les défections de l’aile la plus conservatrice de son propre parti, elle a promis une réforme constitutionnelle controversée pour limiter l’immigration et un référendum “sur la sécurité intérieure et contre l’islamisme”. Dans son discours de victoire, elle a déclaré qu’elle ressentait la “colère” des électeurs qui se sentaient menacés culturellement par l’immigration. Le plus proche rival de Mme Pécresse dans la course aux primaires, Éric Ciotti, qui a mis en garde contre une “guerre des civilisations” à venir et a appelé à un “Guantánamo” français pour les suspects de terrorisme, s’est vu promettre un rôle central dans sa campagne.
Quelle sera la stratégie du président sortant ?
Les calculs électoraux – et la capacité avérée de M. Macron à gagner le soutien des électeurs centristes de l’ex-Républicain – signifient que Mme Pécresse pourrait se sentir obligée de virer de bord dans cette direction, dans ce qui devient une course vers le bas en matière de politiques xénophobes. Mais il est vital que le parti traditionnel de centre-droit français reste dans le courant politique dominant, et ne succombe pas à ce qui a été décrit comme la “zemmourisation” du débat politique français.
Cela est d’autant plus vrai compte tenu du désarroi de la gauche française, divisée et défaillante, dont aucun des candidats n’a une chance réaliste d’atteindre le second tour. La semaine dernière, la candidate socialiste à la présidence, Anne Hidalgo, a suggéré que si elle ne parvenait pas à s’unifier derrière un candidat unique, la gauche risquait de s’éteindre en tant que force politique. Ce n’est pas un état de fait sain pour l’une des plus importantes démocraties libérales du monde. Pour sa part, Mme Pécresse cherchera naturellement à emprunter la voie la plus viable vers l’Élysée au printemps. Mais comme la France se balance à droite, il faut espérer qu’elle ne vende pas l’âme de son parti dans le processus.