Les classes moyennes tirent leur épingle du jeu, déjouant les idées reçues sur les inégalités économiques !
Depuis plusieurs années, la classe moyenne est présentée comme une catégorie sociale subissant de plein fouet les conséquences des crises économiques et des politiques d’austérité.
Une classe moyenne en débat
Les discours politiques et médiatiques tendent à mettre l’accent sur le fait que cette classe aurait perdu en revenu et en position sociale au bénéfice non seulement des plus aisés mais également des plus pauvres. Cependant, selon Jad Moawad et Daniel Oesch, deux chercheurs de l’université de Lausanne, cette vision serait en réalité erronée. Ils affirment que les classes moyennes s’en sortent finalement mieux que les classes laborieuses.
Qu’est-ce qu’une “classe moyenne” ?
La définition de la classe moyenne reste floue et englobe des groupes sociaux très divers tels que :
- Salariés,
- Artisans,
- Commerçants,
- Petits patrons,
- Fonctionnaires de catégorie B,
- Professeurs des écoles,
- Techniciens.
Cette ambiguïté dans la définition rend difficile l’étude du véritable état des classes moyennes et leur évolution au cours des dernières décennies.
Des résultats qui contredisent la vision générale
Dans leur article, Jad Moawad et Daniel Oesch analysent les données concernant l’évolution des revenus et des positions sociales des classes moyennes entre 1970 et 2010. Ils constatent que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les indicateurs de bien-être de la classe moyenne se sont améliorés durant cette période.
Une augmentation du niveau de vie général
Selon les recherches effectuées, une constatation surprenante a émergé : les revenus des classes moyennes ont connu une augmentation significative au cours des quatre dernières décennies, malgré les difficultés économiques rencontrées tout au long de cette période. Cette observation remet en question l’idée largement répandue selon laquelle les classes moyennes seraient constamment en difficulté.
La première raison de cette augmentation des revenus est la progression des salaires, malgré les crises économiques qui ont secoué les marchés mondiaux, les salaires des travailleurs des classes moyennes ont continué de croître de manière régulière. Cette augmentation des revenus a permis aux individus de bénéficier d’une certaine stabilité financière et de maintenir leur niveau de vie.
Une autre explication réside dans l’amélioration des conditions de travail. Les employeurs ont pris conscience de l’importance d’offrir un environnement de travail propice à la productivité et au bien-être des employés. Ainsi, les classes moyennes ont bénéficié de meilleures conditions de travail, telles que des horaires flexibles, des avantages sociaux et une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée. Ces améliorations ont contribué à renforcer la satisfaction professionnelle et à favoriser une progression professionnelle plus fluide.
Au fil des décennies, de plus en plus de personnes ont accédé à l’éducation supérieure, ce qui leur a ouvert de nouvelles opportunités professionnelles et augmenté leurs chances de trouver des emplois mieux rémunérés. Grâce à l’acquisition de compétences et de qualifications supplémentaires, les individus des classes moyennes ont pu se positionner sur le marché du travail de manière avantageuse.
De plus, les politiques de redistribution, même si elles bénéficient en priorité aux plus pauvres, ont également eu un impact positif sur la situation financière des classes moyennes.
Des inégalités qui ne se creusent pas autant qu’on le pense
Les auteurs de l’étude soulignent également que les inégalités entre les classes moyennes et les autres catégories sociales n’ont pas connu une explosion telle qu’elle est souvent dépeinte. En effet, la distance entre les revenus des classes moyennes et ceux des classes laborieuses s’est maintenue relativement stable. En revanche, les écarts se sont creusés entre les classes moyennes et les plus riches, mais dans une proportion moins importante que ce que l’on pourrait imaginer. Les chercheurs concluent donc que la classe moyenne n’a pas subi un affaiblissement généralisé de sa position sociale.
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Les classes laborieuses, véritables victimes des crises
Finalement, il apparaît que ce sont les classes laborieuses qui souffrent le plus des conséquences des crises économiques et des politiques d’austérité.
Malgré les avancées observées, les classes moyennes doivent également faire face à des défis importants. Les emplois traditionnellement considérés comme stables et sécurisants se font de plus en plus rares, tandis que les formes d’emploi précaires, tels que les contrats temporaires ou les emplois à temps partiel, se multiplient. Cette situation entraîne une incertitude économique pour les membres des classes moyennes, qui doivent constamment s’adapter à un marché du travail en évolution rapide.
En outre, les difficultés d’accès au logement sont une réalité pour de nombreuses familles appartenant aux classes moyennes. Les prix immobiliers ont connu une augmentation significative, rendant l’achat d’une maison ou d’un appartement de plus en plus difficile. Les loyers élevés et les exigences strictes des propriétaires rendent également la location d’un logement abordable un véritable défi. Cette problématique met en péril la stabilité financière des ménages des classes moyennes et limite leurs possibilités de constituer un patrimoine immobilier.
Un autre défi auquel sont confrontées les classes moyennes est le niveau d’éducation qui stagne. Alors que l’accès à l’éducation supérieure a connu une augmentation significative, il existe toujours des disparités en termes de qualité de l’éducation et de possibilités d’apprentissage. Les coûts élevés des études supérieures peuvent représenter un fardeau financier pour les familles des classes moyennes, limitant ainsi l’accès à des opportunités d’éducation avancées.
De plus, même si elles bénéficient des transferts sociaux, ces aides ne suffisent souvent pas à compenser la dégradation de leur situation financière et sociale.
Un besoin de repenser les politiques publiques
Des incitations fiscales ou des subventions pour encourager les entreprises à créer des emplois stables et de qualité pourraient être envisagées. Il est également possible de renforcer les dispositifs de formation professionnelle, en favorisant l’acquisition de compétences adaptées aux besoins du marché du travail. Ainsi, les travailleurs des classes laborieuses pourraient bénéficier d’opportunités de carrière plus prometteuses et d’une plus grande stabilité économique.
Parallèlement, il est nécessaire de renforcer les dispositifs d’aide au logement. Il est crucial de mettre en place des politiques de logement qui favorisent la construction de logements abordables, tout en offrant un soutien financier aux ménages à faible revenu. Cela permettrait de soulager le fardeau financier des classes laborieuses et de leur offrir des conditions de vie plus stables.
De même il est primordial d’améliorer l’accès à l’éducation et à la formation, cela implique de mettre en place des politiques éducatives inclusives qui offrent des opportunités égales à tous, indépendamment du milieu socio-économique. Des programmes de soutien scolaire et des bourses d’études pour les étudiants issus des milieux défavorisés pourraient favoriser leur réussite éducative. De plus, il est important de promouvoir la formation continue tout au long de la vie professionnelle, afin de permettre aux travailleurs des classes laborieuses d’acquérir de nouvelles compétences et de s’adapter aux évolutions du marché du travail.
En somme, les recherches menées par Jad Moawad et Daniel Oesch révèlent que la classe moyenne est loin d’être la catégorie sociale la plus touchée par les crises et les politiques d’austérité. Il est donc essentiel de reconsidérer les discours ambiants et d’adapter les politiques publiques pour mieux répondre aux besoins des classes laborieuses.