Comment l’usucapion peut-elle priver un héritage ?
Dans le cadre d’un héritage, une commune a-t-elle la possibilité de récupérer des biens qui ne lui sont pas destinés par le biais de l’usucapion (acquisition de la propriété par prescription acquisitive) ?
La réponse est non, sauf dans certains cas exceptionnels. C’est ce que montre l’exemple du 15 mars 2011 où Andrée X et Laurent Y deviennent, par héritage, propriétaires d’une parcelle de 14 ares située sur la commune de Cuges-les-Pins. Leur famille en était déjà titulaire depuis plusieurs générations, mais cela n’empêcha pas la commune de les assigner devant le tribunal de grande instance de Marseille pour reprendre possession du terrain grâce à la procédure de prescription trentenaire prévue par le code civil. Elle se basa alors sur le fait qu’elle avait agi en tant que propriétaire depuis 1971 sans être contredite : aménagement d’un parking, goudronnage puis plantation d’arbres. Le tribunal reconnaîtra alors que la commune disposait d’une possession paisible, publique, continue, non équivoque et à titre de propriétaire depuis plus de trente ans et que rien ne s’opposait donc à ce qu’elle soit reconnue comme telle.
Les descendants n’avaient donc pas eu d’autre choix que de se voir privés de leur héritage.
La notion de prescription trentenaire
Lorsque l’on parle de l’usucapion, il convient d’aborder en premier lieu la notion de prescription trentenaire. En effet, cette dernière constitue le fondement juridique de l’acquisition de la propriété par prescription acquisitive. Selon le code civil, elle s’applique lorsqu’une personne a exercé paisiblement et publiquement son droit de propriété exclusivement pendant une durée de 30 ans ininterrompue. Toutefois, il existe certaines conditions à respecter pour bénéficier de cette procédure :
- Le titulaire doit avoir un droit réel, ce qui veut dire qu’il ne peut s’agir que d’une situation légale ;
- Le titulaire doit être dans un état de possessoire sans faille, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’opposition de la part de propriétaires antérieurs ;
- La possession effective doit être suffisamment longue pour que la prescription prenne effet. Ainsi, s’il y a interruption de possession pendant plus de 5 ans, la prescription sera considérée comme nulle.
Une fois ces conditions remplies, la personne concernée peut prétendre au transfert de propriété.
Lire en complément: Rénover un appartement en tant que nouveau célibataire
Les limitations liées à l’usucapion
Malgré ses avantages, l’usucapion comporte des limites qui s’imposent aux différentes parties, dont les communes. En effet, le ministère de l’intérieur interdit explicitement aux autorités locales d’utiliser cette procédure pour s’accaparer des biens privés. De plus, cette procédure ne peut être utilisée que dans certains cas très précis, à savoir dans des situations où la possession est clairement établie et où il n’y a pas de contestation possible. Par exemple, si le propriétaire original entreprend des travaux sur le terrain ou tente de contester publiquement la possession de l’occupant, celle-ci sera considérée comme illicite et la procédure sera annulée. Enfin, même si la prescription trentenaire est appliquée, le propriétaire original peut encore obtenir réparation financière si les travaux et/ou les aménagements effectués par l’occupant ont directement enfuité sa valeur patrimoniale.
En conclusion, l’usucapion est un outil intéressant pour régler des litiges de propriété, mais il ne peut pas être utilisé par une commune pour reprendre le contrôle d’un bien. Il s’agit d’une procédure complexe qui impose des critères rigoureux et qui nécessite une analyse approfondie en fonction des circonstances spécifiques. Dans certains cas, elle peut permettre à un tiers de conquérir un actif mais, dans la plupart des cas, elle ne permet pas de déposséder un propriétaire de son bien.