Taxe Barnier : des milliers de riches concernés, mais pas les ultra-riches

Le gouvernement français, dans son budget 2025, a décidé de briser un tabou en instaurant un nouvel impôt visant les foyers les plus riches. Une mesure qui, bien que présentée comme un geste de « justice fiscale », suscite déjà des doutes quant à son efficacité et à son impact réel sur les contribuables les plus fortunés. L’objectif est de rétablir les comptes publics avec une taxe temporaire, mais les experts et les observateurs pointent de nombreuses failles dans ce dispositif.

Entre promesse de justice fiscale et crainte d’une inefficacité, le nouvel impôt destiné aux plus riches soulève de nombreuses interrogations sur son impact réel.

Une promesse de justice fiscale

Aussitôt entré en fonction, le Premier ministre Michel Barnier s’est engagé à promouvoir une politique fiscale plus juste, où les plus aisés prendraient leur part dans l’effort national. Cette décision marque un tournant pour un gouvernement qui, jusqu’à présent, avait toujours évité toute augmentation des impôts. L’annonce est tombée le 1er octobre, lorsque le ministre de l’Économie Antoine Armand a précisé que 65 000 foyers fiscaux, représentant 0,3 % des contribuables, devraient payer davantage à partir de l’année prochaine.

michel barnier

Ce nouvel impôt, présenté comme « temporaire et exceptionnel », devrait durer trois ans, avec l’ambition d’engranger 2 milliards d’euros pour aider à redresser les finances publiques. Mais en pratique, cette taxation devrait cibler les Français les plus aisés, principalement ceux qui perçoivent plus de 22 860 euros par mois.

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Des milliardaires épargnés par la mesure

Si cette initiative semble vouloir toucher les plus riches, elle risque d’épargner les véritables milliardaires. En effet, les plus grosses fortunes tirent rarement leurs revenus des salaires mais plutôt des dividendes. C’est ici que le dispositif montre ses limites. Bien que les salaires soient lourdement taxés avec des taux progressifs atteignant 45 %, les dividendes bénéficient du prélèvement forfaitaire unique (la « flat tax ») à un taux de seulement 12,8 %. Une faille dont profitent les grandes fortunes.

Bernard Arnault, le patron de LVMH, illustre parfaitement cette situation. Bien qu’il se soit versé un salaire de 3,4 millions d’euros, ses gains en dividendes – environ 3,17 milliards d’euros – échappent largement aux taux d’imposition les plus élevés. Il en va de même pour d’autres milliardaires français, dont les revenus sont dissimulés dans des holdings, leur permettant d’éviter l’imposition sur le revenu classique.

Un impôt limité à une minorité de foyers

Selon une évaluation du ministère des Finances, ce nouvel impôt ne concernera que 24 300 foyers sur les 65 000 annoncés. Ce chiffre bien plus bas que prévu montre que cette mesure pourrait manquer sa cible initiale, ne touchant finalement qu’un petit pourcentage des ménages les plus riches.

Les ménages concernés seraient principalement ceux percevant des dividendes, car le barème de taxation des salaires dépasse rapidement les 20 %. De plus, les détenteurs de holdings ne seraient pas affectés par ce dispositif, car les revenus qu’ils y placent ne sont pas considérés comme « disponibles » et échappent donc à l’imposition immédiate.

Les experts sceptiques

Les experts sont nombreux à douter de l’efficacité de cette mesure. Layla Abdelké Yakoub d’Oxfam critique un dispositif qui « passe à côté de ceux qui possèdent le plus de patrimoine » et plaide pour un retour à l’impôt sur la fortune. Clément Malgouyres, économiste à l’IPP, estime que ce nouvel impôt sera facilement contourné par les plus riches grâce à des montages fiscaux sophistiqués.

Une note de Bercy elle-même admet que le chiffrage de ce nouvel impôt n’a pas pris en compte les « effets comportementaux » : autrement dit, les riches auront toujours la possibilité d’optimiser leurs revenus pour minimiser leur imposition. Pour certains économistes, cette mesure risque de se transformer en « usine à gaz pour pas grand-chose », les riches continuant à échapper aux nouvelles taxes par des stratégies d’optimisation fiscale.

Un coût supplémentaire pour les plus riches, mais à quel prix ?

Pour les 24 300 foyers concernés, ce nouvel impôt représentera un surcoût de 82 300 euros en moyenne. Une somme non négligeable, mais qui reste minime comparée aux montages fiscaux sophistiqués dont bénéficient les ultra-riches. Ainsi, cette nouvelle taxation pourrait rapidement perdre en efficacité, les 2 milliards espérés étant loin d’être garantis pour les années suivantes.

En définitive, si l’objectif de rétablir les comptes publics est louable, la méthode choisie semble inefficace face à des contribuables experts dans l’art de l’optimisation fiscale. Le gouvernement devra certainement revoir sa copie pour véritablement atteindre sa promesse de justice fiscale.